A l'époque j'avais un pote qui était fils de commerçant. Bon c'est toujours mon pote, ces vieux sont toujours dans la fringue, mais c'est plus pareil... Ses parents avaient fait construire, et il restait l'ancien appartement au dessus du magasin. T'inquiète qu'on l'a furieusement vite annexé. Tout équipé, manquait plus que la vie à l'intérieur. Et vu qu'a cet age la vie t'en déborde à tout gaspiller en un soir, on s'est de suite retrouvé à plein là-dedans. Et pourtant c'était du F16 comme appart ! Plein de pièces et de recoins de partout ! Et comme en boîte : autant de salles, que d'ambiances... Même que certaines servaient de ce qu'on appelle maintenant des « back-room ». La seule règle, s'il y en a eu une à cet endroit là, à cette époque là, c'était chacun amenant de quoi. Et voilà, c'est tout.
Rapidement des gens qu'on ne connaissaient ni d'Eve, ni d'Adam, ni du coin, ni d'ici ou d'ailleurs, se pointaient. Ça circulait tout le week-end. C'est le cas de le dire. Et quand j'entends week-end, c'était à partir du jeudi, jusqu'au mercredi suivant ! Fallait juste pas se ramener avant 21 heures. Et encore ce n'était pas une règle, vu que certains et certaines y faisaient de gros « séjour de rupture » à pas débander du mois... Les parents de Zoupinou n'étaient pas cons, ils préféraient nous savoir ici, que...
Régulièrement nous étions une bonne vingtaine autour de la table dans la plus grand pièce. A boire et à rouler. Une usine à pécos quasi industrielle. Du pur taylorisme afgan : un collait, l'autre filtrait, le troisième mélangeait, le quatrième..., etc. Et quoi qu'il en soit : toujours un cône au coin de la lèvre et un canon à porté de main pour tous. (Tiens la voilà la seule règle !) Une espèce de coopérative de la roule et de la picole. Un Gaec même, car certains faisaient pousser (à l'époque c'était de l'héroïsme !), et d'autres s'essayaient à faire de la verveine...
C'est à cause de ça d'ailleurs qu'elle a atterri sur mes genoux. Elle ne me voyait pas. Moi je ne l'avais pas vu. Jamais. Elle ne me voyait pas à cause des goulots de bouteilles au milieu de la table. Moi pile en face, je ne l'avais pas vu. Je ne l'ai jamais vu. Je ne l'ai même jamais regardé, en fait, et si je suis honnête. Et si vraiment, je suis honnête, je dirais même que j'ai toujours fuie sa vision. Que même, que quand je retourne au blèd en souvenir du bon vieux temps, je regarde souvent en coin dans les coins, tout en serrant les fesses... (essayez ça fait pas tant sourire que ça).
« Elle », je n'ai jamais pu la regarder (en face, ou pas). Jamais je n'ai pu me poster en face d'elle...
...Et surtout je ne l'ai pas vu arriver sur mes genoux. Sous se prétexte fallacieux des bouteilles entre nous, elle est venue s'encalifourcher sur mes cuisses. J'étais vert ! ...bouteille. Impossible de faire quoi que se soit. Y'aurais pas eu cette putain de table, je la bennais en avant sur ses arrières, et le tour était dé-joué. Mais là coincé de pêcho, par une chaude de décoincée, le VPC !
Le premier truc de malade, que je me rappelle c'est qu'elle m'a pris la main pour me montrer le trou qu'elle avait au cul. ... de son jean. « Fuseau », les jeans à l'époque...
Soit, tu as un trou au cul ! Mais... Et c'est là que je me suis retrouvé à un boucher un, de trou.
...
Sur mon CV. « Homme Objet » que je suis devenu. Son Homme Objet. Elle a du me poursuivre un bon bout de temps. Moi j'étais résigné. Aucune issue possible. Rien. Et tant que je ne l'avais pas tout ridé, elle ne me lâché pas le bout... Mais moi j'avais rien à faire ou à voir, avec elle. Je la fuyais pourtant. Mais surement comme le petit lapin, dans les phares de la nuit, sur ce bord de route de la vie...
Elle me paralysait et commençait à m'effrayer...
Faut croire que j'étais con à l'époque : impossible de lui dire quoique ce soit qui aurait ressemblé à un « non merci » poli, mais ferme. Le seul truc que je trouvais à faire : me percher la gueule (car j'en avais point de point). Saoul comme un marin, et enfumé comme une ruche, impossible de bander, le goût de gerbe, le ventre en vrac, la tête comme un tambour de machine à laver, elle arrivait encore à ses faims.
Un putain appétit d'ogresse, version menthe religieuse défroquée. C'est là que j'ai compris que la nature était quand même, et contrairement à elle (il faut le dire), bien faite. Mais jouer le martyre auprès d'une nana, à toujours son effet contraire et inverse en retour de boomerang. D'Homme Objet je suis passé à Homme Enfant. La plaie ! Même ma mère (et pourtant c'est Ma mama italiano-juive perso, et que je suis seul comme frère et sœur de moi même, vu que mon vieux c'est fait la malle que j'étais pas sorti du bac à sable), elle passe pour la reine des laxistes de mai soixante-dix à côté...
Mais un jour je me suis réveillé. OUI ! Bon OK, à grand coup de pied d'un pote (encore un autre) qui ne voulait pas me rouler dessus. Mais j'avais enfin réagit ! J'ai pris conscience là, dans le froid vomi de mon antépénultième* coma de parking du Macumba-loco-local, que quelque chose avait enfin bougé dans ma vie... Je m'étais enfin révolté contre cette destinée imposée, et par moi nullement voulue !
Pour la première fois de ma vie j'étais pleinement acteur de ma mauvaise fortune-bon cœur. Une vraie révolution pour un gars simple et tranquille comme moi. Voici donc ma fronde : ce soir là, je l'ai vu débarqué en boîte à me chercher du regard. Je l'ai fixé pour la première fois de ma vie droit dans les... Dans la direction du premier goulot en face de moi. « Tu ne m'auras pas entre tes jambes ce soir » que j'ai tenté de me convaincre en tombant ce premier tube rempli à toc de sky bas de boite. J'avais toute l'aide financière et psychologique de notre Gaec de coopérative de jeunesse dorée de cet endroit, de cette époque. (Bien que personne de mes meilleurs potes ou des parfaits inconnus que je fréquentais de ce temps, n'ai jamais rien su de mon calvaire et de mon combat pour me sortir de ce trou où je m'étais retrouvé sans la moindre action ou volonté de ma part, faut le dire aussi). L'alcool étais tout autant bas de gamme que cher, mais ça restait carrément abordable comme suivit de cellule psychologique pour homme maltraité.
Me sortir de là !
Et c'est cette nuit là que j'ai avancé mon premier pion sur cet échiquier de dames et autres nanas, filles ou femmes.... Je venais de remettre un goulot de bouteille entre nous, afin de disparaître derrière.
Échec.
VPC
* : Pour ceux qui se demandent c'est quoi l'antépénultième coma ? C'est l'avant, avant dernier, en fait.
Vu que le pénultième (avant dernier, donc), c'était pour fêter mon acte de bravoure. Mais ce fut long, et il a bien duré...
Donc. et à la tienne !
...Et que le dernier (et bien d'autres suivants) c'était (et c'est...) par ce que je me retrouve toujours célibataire, et donc seul, et donc malheureux, et donc...
Donc, et à la tienne !